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La recherche au secours de l'école, article de Mme DURU-BELLAT

La recherche au secours de l’école, un article de Marie Duru-Bellat, professeure des universités en sociologie, est utilement sous titré « Grains de sable : Pour une petite dose de poil à gratter sociologique », paru dans The conversation.

 

Cet article a le mérite de poser un grand nombre de questions autour de la recherche en éducation, en neuroscience ou sur les comparaisons internationales pour mettre l’accent sur l’intrication des facteurs et le besoin de pluridisciplinarité ainsi que sur la nécessité de fixer d’abord des objectifs politiques.

 

Il suscite toutefois quelques critiques. En effet, bien que nécessairement non exhaustif, cet article reste dans une approche « naïve » dans plusieurs domaines.

 

Prenons l’aspect politique. Il suppose ainsi que la politique n’a d’autre objectif que de faire en sorte que l’éducation nationale améliore ses performances. C’est faire abstraction du fait que l'éducation est aussi un objet politique, que l’objectif est aussi (avant tout?) de faire de la politique politicienne. Comment ignorer le contexte dans lequel œuvre un gouvernement en général ? C’est encore plus vrai pour le gouvernement actuel. Pour survivre, il doit ne pas laisser de marge de manœuvre à sa droite essentiellement. Donc il lui faut couper l’herbe sous ses pieds en incorporant dans son action des principes de droite plus ou moins extrême en tenant un discours que ne peut renier la gauche. Ainsi, dans tous les champs, et donc aussi dans celui de l'éducation nationale, la différence entre les paroles et les actes n’a jamais été aussi flagrante qu’actuellement. Ainsi, les actes (baisser le nombre d’enseignants) est très éloigné du discours (augmentation de ce nombre rendu nécessaire pour prendre en compte un dédoublement de classes par exemple). La science, tout comme l’éducation, sont toujours instrumentalisés par les pouvoirs politiques successifs.

 

En éducation, il n'y a qu'à voir les réactions passionnelles suscitées dès lors que quelqu'un touche à quoi que ce soit pour comprendre que nous sommes encore loin de pouvoir avancer sereinement. Tout le monde est d'accord sur le constat qu'il faut changer parce qu'il y a dégradation, mais personne ne l'est sur la démarche pour en sortir.

 

 

Concernant une éventuelle application des résultats des recherches en neurosciences ou celles, empiriques, sur l’efficacité de telle ou telle méthode, l’auteure de l’article, sociologue ne l’oublions pas, met en avant les problématiques liées à son champ de recherche. C’est tout-à-fait compréhensible, mais va en particulier à l’encontre de son propre appel à une nécessaire pluridisciplinarité. Car, encore une fois, dans cet article, elle caricature. Non, une méthode syllabique n’est pas le B.A.-BA. Non, je ne connais personne qui se pose la question au quotidien si l’activité cérébrale est la cause ou la conséquence d’une tâche d’apprentissage. Non, le choix d’une méthode ne se fait pas de la maternelle au baccalauréat.

 

En effet, si l’on peut dire que la phonologie est importante pour l’apprentissage de la lecture, c’est à un moment précis de l’évolution de l’enfant, grosso modo entre la moyenne section de maternelle et le CE1. De même pour la méthode syllabique avec une fourchette de temps plus réduite. Si l’on considère la pédagogie explicite, au sens « Direct Instruction » du terme, son efficacité est plus probante dans certains cas et son efficacité lors des premiers apprentissages de l’école élémentaire maximale. L’autre versant de la pédagogie explicite, celle qui est actuellement mise en avant et que je qualifierai davantage de « clarté cognitive », est utile tout au long de la scolarisation.

 

Et, l’un ne disqualifiant pas l’autre, cela n’empêche nullement une éducation à la citoyenneté, un apprentissage coopératif…

 

 

Ce qui manque dans cet article, c’est un rappel de la nécessité de la formation des enseignants et pas seulement initiale. Ce n’est pas dit explicitement, même si cet aspect est présent en filigrane, l’effet « maître » n’est en aucun cas négligeable.

 

Encore une fois, il ne s’agit pas d’en faire un déterminant unique mais il est néanmoins primordial. La meilleure méthode avec un enseignant qui n’y croit pas, qui n’est pas dans la bienveillance, ne donnera pas de résultats extraordinaires. L’inverse est vrai également : une éventuelle « anti-méthode » complètement déstructurée avec un enseignant très investi et qui saurait encourager les élèves, permettrait malgré tout à des élèves d’apprendre. Car les enfants sont tellement malléables qu’ils sont capables de s’adapter à quasiment n’importe quoi. Que cela leur soit profitable à plus long terme est une autre question. C’est également la raison pour laquelle n’importe quelle méthode de lecture obtient des résultats, mais avec des problèmes plus ou moins importants pour les moins bien lotis au départ, quels qu’en soient les raisons, sociologiques, culturelles, « d’équipement neurologique » ou de santé…

 

L’appel à davantage de pluridisciplinarité est fondamental , la nécessité pour les diverses spécialités de ne pas s’ignorer, de ne pas se caricaturer, la base pour avancer. Dans ce sens, cet article est le plus « intelligent » écrit depuis longtemps sur le sujet.

 

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