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GFEN - J. BONNARD - Déchiffrage... fluence... lire vite à voix haute suffit-il pour être un bon lecteur ?

Dans l'éditorial de la lettre d'informations n°18 de novembre 2017 du GFEN, Déchiffrage... fluence... lire vite à voix haute suffit-il pour être un bon lecteur ? Jacqueline BONNARD  vilipende l'approche de la lecture "syllabique" et les outils à disposition pour améliorer la fluence de lecture. L'auteure de cet article fait comme d'autres avant elle : elle voit dans la déclaration du ministre sur la lecture (NB: je ne défends pas le ministre) des pensées qui ne sont pas écrites, en utilisant heureusement des précautions de langage ([...] laissent sous-entendre que [...]). Elle lit entre les lignes. Elle suppute.

Le second paragraphe est une suite de lieux communs: qui a jamais nié que la lecture est une tâche complexe qui ne nécessite pas que du déchiffrement qui, par conséquent, nécessite un enseignement spécifique. Sur ce point, également souligné par Roland Goigoux, je ne vois pas de débat. Sauf que ce point est régulièrement utilisé pour faire le procès d'une approche syllabique. Il est quand même surprenant de lire - et c'est le cas dans les lectures proposées suite à cet article - qu'il n'existe pas de méthode globale à proprement parler, parce que les enseignants font aussi beaucoup d'autres choses, et de feindre de croire qu'il existerait une "méthode syllabique pure" dans laquelle des enseignants ne feraient que cela. Proprement ridicule!

Enfin, l'auteure critique l'utilisation d'outils d'entraînement systématique visant à l'amélioration de la fluence en lecture. Visiblement elle n'a jamais vu comment cela se passe.

Pour information, c'est l'un des outils (en gras pour bien souligner qu'il ne s'agit en aucun cas du seul outil) que j'ai mis en place en collège pour les élèves faibles lecteurs, pré-orientés en SEGPA ou non. Le chronométrage n'est pas là pour le professeur, ni pour comparer des élèves entre eux, mais pour montrer à chaque élève et à ses parents qu'il progresse, pour soutenir sa motivation.

De même, il n'est pas question d'occulter les points à observer. Il s'agit au contraire d'un moment privilégié pour permettre ces observations (quatre élèves avec un enseignant sur environ une demi-heure).

Enfin, je ne sais pas qui peut feindre de croire qu'un enseignant utilise 100% du temps pour travailler la compréhension: il y a des moments pendant lesquels il est nécessaire de travailler la fluence, tout comme il y a des moments pour travailler les inférences ou d'autres tâches complexes.

Pour être tout à fait exact, cet indicateur MCLM a quand même permis au début le repérage des élèves susceptibles d'être en difficulté face à des textes de collège et d'avoir une idée des progrès réalisés au bout des 8 semaines (sur les 36 semaines d'une année scolaire) d'entraînement intensif.

 

Il est courant d'opposer des "méthodes" d'apprentissage de la lecture alors que l'on se situe pour l'essentiel sur un continuum entre un apprentissage basé davantage sur la compréhension pour les uns ou sur la systématisation des correspondances grapho-phonétiques pour les autres. Le curseur est un peu plus d'un côté ou de l'autre. Rien n'empêche de travailler les deux concomitamment, au cours de séquences différentes, avec une seule exigence: la clarté cognitive.

 

C'est aussi la conclusion de l'article du Parisien de ce 20/11 sur le premier bilan des classe de REP+ divisées en deux: 95% des enseignants n'utiliseraient pas de manuel avec une méthode identifiée. Le déchiffrage occuperait la place la plus importante dans le temps scolaire suivie de la compréhension des textes et de la maîtrise de l'oral.

 

Si on lit les résultats de l'étude de Roland Goigoux en ayant cet aspect en tête, on ne peut qu'y trouver une grande richesse et de nombreuses indications et pistes de travail. Si on y cherche des arguments pour diffamer une approche syllabique, que je recommande personnellement dès lors qu'il y a risque de mettre des enfants en difficulté (soit peu ou prou chaque classe), je n'y ai trouvé aucun argument. Au contraire, je n'y ai lu que des précautions de langage de la part de l'auteur.

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Commentaires: 1
  • #1

    Claude Seibel (vendredi, 17 novembre 2017 12:33)

    Bonjour
    J'ai découvert votre blog passionnant à partir du commentaire que vous faites des articles de Luc Cédelle sur l'ouvrage de Sandrine Garcia (dont j'apprécie beaucoup le chapitre 2, que visiblement Luc Cédelle n'a pas compris!)).
    Pourriez vous m'envoyer votre mail afin que je vous fasse parvenir plusieurs textes sur lequel je travaille depuis pas mal de temps. Vous ne me connaissez pas: j'ai dirigé le service de Statistiques du MEN au début des années 80 et avec Jacqueline Levasseur nous avons démontré les risques encourus dans le système éducatif en France par les redoublants du CP. Depuis j'ai "roulé ma bosse" en créant la Direction d'études et statistiques du Ministère du travail (la DARES), mais je n'ai jamais abandonné le thème de la lutte contre l'échec scolaire devenu "vers la réussite de tous à l'école" (ce n'est pas qu'un changement de vocabulaire)
    Très cordialement
    Claude Seibel
    mail "claude.seibel@orange.fr" tel port 06 80 75 84 24